Une fois par mois nous avons décidé de vous proposer un article rétro sur les grands moments de sport à travers l’histoire. Grâce à cette rubrique « Les Chroniques Rétro » je vais vous partager ma vision de l’histoire et vous faire revivre les grands moments sportifs. Je vais alors tenter au maximum de vous faire découvrir ou redécouvrir ces matchs, ces finales qui nous ont fait vibrer et aimer ces sports. Et donc pour ce premier numéro nous allons ensemble revenir sur la dualité McEnroe Borg et plus précisément la finale de Wimbledon de 1980.
Il faut bien préciser avant de commencer que je suis né fin des années 80. Donc pour moi Borg et McEnroe sont des légendes, que je ne connais que très peu (il s’agit davantage de la génération de mon père). Mais récemment, et complètement par hasard je suis tombé sur le film Borg vs McEnroe sorti en 2017. Sans rentrer trop dans les détails, j’ai bien aimé et à la suite du film je me suis intéressé à leur carrière. Et notamment à cette fameuse finale de Wimbledon 1980…
Je vais commencer par vous présenter les deux hommes que sont Bjorn Borg et John McEnroe pour que vous vous fassiez une idée des tennismen qu’ils étaient. Et ensuite nous parlerons de cette finale légendaire. Et nous finirons sur son dénouement spectaculaire. Commençons par l’homme de glace, Bjorn Borg. Mais avant ça je vous mets la bande-annonce du film dédié à cette rencontre légendaire :
Bjorn Borg

Bjorn Borg arrive à Londres cet été de l’année 1980 dans la peau de l’homme à abattre, numéro 1 mondial. En effet, 4 fois titré ici même en 76, 77, 78, 79 il convoite donc un 5ème titre d’affilé à Wimbledon.
Pour bien que vous vous imaginiez le sportif qu’était Borg, il a 24 ans cette année 1980 et est une véritable icône du tennis, il écrase tout sur son passage depuis ses débuts professionnels. Il s’agit d’un joueur de fond de court avec une très bonne couverture du terrain. Un très bon contre attaquant avec un revers à deux mains et une prise de sa raquette qui révolutionna le tennis. Il est imperturbable, froid (d’où son surnom Iceborg), les qualités ne manquent pas.
À regarder jouer, juste deux mots : beau et élégant. Mais surtout il faut le dire très différent de ce qu’on peut voir à l’heure actuelle. Pour les plus curieux je vous conseille d’aller voir sur YouTube les matchs des années 1970-1980 cela n’a rien à voir aux matchs actuels mais c’est très intéressant à voir ou même à revoir.
Mais revenons à notre suédois. Si je dois vous parler de l’un des nombreux faits et anecdotes que j’ai découvert à son sujet, je vous parlerais du suivant. Borg n’aimait pas les entraînements dits classiques et répéter bêtement service, coup droit, revers… Il s’entraînait alors comme il disputait ses matchs, c’est-à-dire qu’il faisait venir 3 joueurs (sparring-partner) et disputait environ 2 sets avec chacun d’eux. Si ses adversaires se donnaient à fond pour leurs 2 sets lui le faisait pour les 5, histoire d’être totalement prêt. Il était de cette façon conditionné à disputer des matchs au meilleur des 5 sets. De ce que j’ai entendu Borg épuisait littéralement ses sparring-partner les uns après les autres (comme une véritable machine).
À côté de ça le suédois avait des habitudes, une routine qui ne fallait surtout pas déranger, à la limite de la parano aiguë. Pour prendre un exemple lorsqu’il descend à Londres pour disputer Wimbledon, il loge tout le temps dans le même hôtel, dans la même chambre, et loue la même voiture, rien ne doit changer. Et je vous en passe encore beaucoup ! Mais on imagine bien que tout ceci est sûrement pour gérer l’énorme pression qu’il portait sur ses épaules.
Une des rumeurs les plus folles de l’homme qu’on surnommait Iceborg est le fait qu’il révéla que pour ralentir son rythme cardiaque au plus bas, il dormait dans sa chambre d’hôtel avec une température des plus froide. Il pouvait ainsi descendre son rythme cardiaque sous les 50 pulsations par minutes. Nous ne pouvons que souligner sa puissance mentale ! Aussi, une des choses que j’ai adoré apprendre concernant l’approche de Borg, une chose qu’il tient de son coach lui-même, Lennart Bergelin est la suivante :
« 1 point par 1 point aucune projection. Chaque point doit être joué à 200% et une fois celui-ci terminé on passe au suivant. Gagnant ou perdant peu importe l’issue on passe au suivant sans penser à celui d’avant ou d’après. 1 point par 1 point. »
Une approche qui peut s’appliquer à la vie en général, personnelle mais aussi professionnelle, à votre activité… Pour terminer sur le suédois on peut tout simplement dire qu’il était un compétiteur hors norme. Il ne cherchait que la victoire et ne supportait pas la défaite. Passons maintenant à John McEnroe et son talent inouï.
John McEnroe



Derrière Borg, un jeune qui monte. Pétri de talent avec une détermination folle pour détrôner le suédois, John McEnroe numéro 2 mondial à ce moment-là.
McEnroe arrive cet été là avec une seule obsession : battre Borg, remporter son deuxième Grand Chelem mais surtout détrôner le roi du gazon londonien. Celui qu’on surnomme Big Mac est un véritable volcan en ébullition. On lui reconnaît ses accès de colère mythiques mais il serait très réducteur de ne citer que ça de l’américain. C’est un joueur hyper talentueux avec sa main gauche exceptionnelle, porté sur l’avant, adepte du service-volée, John marqua lui aussi de son empreinte le tennis.
Revenons un peu à ses débuts. Il débuta sa carrière sur le circuit ATP en 1977 et remporta dès 1979 son premier grand Chelem (US Open). John fait une totale fixette sur Borg cette année là, ce qui est certainement logique puisqu’on ne lui parle que du suédois et cela le rend fou. On le compare, l’oppose : le gentleman face au rebelle. Par exemple, peu de temps avant le début de Wimbledon il est invité sur un plateau télé par un journaliste sportif qui ne lui parle que du suédois. Fou de rage, il sort de l’interview excédé et des noms d’oiseaux fusèrent. On reconnaît bien là notre McEnroe légendaire.
Il faut bien contextualiser, en 1980 McEnroe est conspué à Wimbledon, il est hué à chaque désaccord. Il ira jusqu’à dire à un spectateur :
« Toi ferme ta gueule et va jouer au tennis dans ton jardin » (J’adore !)
Autre moment mythique, la prise de bec lors de la demi-finale contre Connors. Big Mac commença par hurler sur l’arbitre avant de dire clairement que « l’arbitrage ici est nul« . Tout ça avant que Connors commence à lui aussi s’énerver, les deux compatriotes se sont mis à s’insulter littéralement… (à voir et revoir, c’est génial).
On peut décrire l’américain comme un râleur, irrespectueux, colérique mais McEnroe est avant tout un passionné et mordu de tennis qui ne cherche qu’une chose quand il entre sur le court : gagner. Big Mac avait besoin de ces moments où il pétait les plombs. Paradoxalement cela lui permettait de se remettre dans son match. Car comme le dit si bien André Agassi :
« Le tennis emploie le langage de la vie : avantage, service, faute, égalité, revers, break… Chaque match est un condensé de vie ».
Wimbledon 1980 McEnroe Bjorn : le feu contre la glace



Dès le début du tournoi, c’est la finale espérée par tous : Borg contre McEnroe, Iceborg contre Big Mac. Et en ce 5 juillet 1980, jour de la finale c’est bien le numéro 1 mondial tenant du titre qui affronte le numéro 2 mondial pour un duel épique.
Devant 17 500 spectateurs, deux gladiateurs vont s’affronter. McEnroe entre le premier sur le court sous les huées des tribunes. Une tension électrique s’y dégage. Puis c’est au tour de Borg de faire son apparition, applaudi, ovationné, il est dans son jardin.
1er set
Le match commence. Service McEnroe et une montée au filet puis deux, trois, l’américain comme à son habitude monte au filet systématiquement : 1-0 pour l’américain, qui prend le service du suédois dans la foulée 2-0 puis 3-0. Borg semble être gêné par le service du gaucher et sa capacité à l’agresser. Il lui prend du temps et l’étouffe. 5-1 service McEnroe, balle de set, l’américain sur un énième service-volée remporte le premier set : 6-1, en à peine 30 minutes de jeu.
2ème set
Le 2ème set débute, Borg est au service. Dès les premiers points on sent le suédois qui en met plus dans ces frappes, plus agressives. Mais McEnroe reste dans le coup. Il lui rend la tâche difficile et on assiste à quelques coups magnifiques de part et autres.
6-5 pour Borg, service McEnroe. Un jeu de service très disputé donne une occasion au suédois : 30-40 balle de set. Service de John McEnroe, il monte au filet, retour de Bjorn Borg dans les pieds de l’américain qui reprend la balle mais sa volée finie dans le filet : 7-5 pour Borg, un set partout.
3ème set
3ème set, Borg a pris l’avantage psychologique et accélère. Il a pris la mesure de l’américain et semble imprenable, alternant passing et montée gagnante (en sachant qu’à l’époque la norme, et encore plus à Wimbledon, c’est 3 à 4 coups de raquette derrière le service). Bjorn mène maintenant 5-3 et sert pour le gain du troisième. Solide sur sa mise en jeu il ne tremble pas et prend l’avantage 2 sets à 1.
4ème set
Nous sommes maintenant à 2 heures de jeu en ce début du 4ème set. On sent la tension qui monte encore d’un cran. Et malgré quelques signes d’agacement de John aucune colère ou autre coup de gueule n’apparaissent. L’américain reste accrocheur et la bataille de ce 4ème set rentrera dans la légende.
Se rendant coup pour coup tout au long de cette manche. On peut logiquement dire que les 2 joueurs jouent leur meilleur tennis. Jusqu’au 9ème jeu McEnroe se fait breaker, Borg mène 5-4 et va servir pour le gain du match. Magnifique passing en coup droit et Bjorn Borg se procure deux balles de match, montée de Borg et à son tour se fait passer par un magnifique revers long de ligne. Une première balle de match sauvée puis une deuxième, nous sommes à 40-40 égalité. Et nous voilà avec une balle de break pour McEnroe. L’américain, d’un magnifique retour gagnant, revient à 5-5 lâchant un « come on ! » et les 2 joueurs se dirigent tout droit vers un tie break.
Jeu décisif qui ne finira qu’au bout de 22 minutes de tennis extraordinaire. Alternant balle de match et balle de set. La foule est en délire, les deux hommes nous offrent un spectacle juste à couper le souffle.
Un Tie Break de légende
Nous sommes à 6-5 pour Borg, 3ème balle de match. Le suédois sert mais McEnroe l’efface d’une volée parfaite, 6-6. Service John, qui monte au filet derrière sa première balle mais Bjorn d’un magnifique revers le transperce 7-6 Borg.
4ème balle de match, Bjorn sert sa première passe, il fonce au filet mais John d’un superbe revers oblige Borg à plonger pour tenter de ramener cette balle mais elle finit dans le filet 7-7.
On continue, échange de toute beauté, lob de John repris par Bjorn qui derrière monte aux filets. Il subit un magnifique revers court croisé de Big Mac 7-8, balle de set.
Au service John qui passe sa première balle, retour plongeant de Bjorn, McEnroe se jette mais ne parvient pas à ramener cette balle 8-8.
Service-volée, nouvelle balle de set, service-volée de Borg 9-9. Bon service du suédois, 5ème balle de match, effacée par l’américain avec une bonne première.
Nous sommes désormais à 11-10 service Borg, pour sa 6ème balle de match et ce n’est toujours pas la bonne. Aidé par une balle ralentie par la bande du filet, John est toujours en vie, mais Bjorn y retourne.
Service-volée sur une 2ème balle et il fait le point 12-11, nouvelle balle de match sur le service de McEnroe cette fois. Sa première ne passe pas, mais l’américain n’a pas peur et lance son service-volée sur la 2ème balle et on continue.
Balle de set pour John 12-13. Une volée longue de Bjorn déstabilise l’américain et son revers fini dans le filet. Le suédois continue avec un service-volée mais cette fois sa volée reste dans la bande du filet.
Nouvelle balle de set pour John 13-14. Service McEnroe qui monte, conclut au filet mais non. Sa volée lui échappe légèrement et finit juste derrière la ligne du fond de court. Personne n’en croit ses yeux.
Léger flottement dans l’air à cause d’une première balle qui est annoncée faute un peu tardivement. Mais finalement Big Mac se procure une nouvelle balle de break, 14-15 effacée dans la foulée par Iceborg. Aucun des deux joueurs ne veut lâcher et cela dure depuis plus 3 heures et 20 minutes. D’un magnifique coup droit long de ligne John à une nouvelle balle de break mais sa volée est totalement loupée. Le score passe à 16-16.
Service McEnroe et c’est au tour de Borg de louper son retour qui finit dans le couloir. Nouvelle occasion pour Big Mac sur le service de Borg mais sa volée termine dans le filet 16-18. John McEnroe vient de remporter le 4ème set. La foule tout entière se lève et applaudit les deux hommes. C’est du pur délire, on en veut encore « come on ! », comme le dirait si bien McEnroe.
Wimbledon 1980 McEnroe Borg : Le dénouement tant attendu
On part dans le 5ème set, Bjorn Borg a laissé passer pas moins de 7 balles de matchs, combien de joueur aurait explosé littéralement ? Le momentum est clairement du côté de l’américain. On a dépassé les 3 heures de jeu avec un niveau, une concentration tout simplement extraordinaire. Comment ce match peut se terminer ?
Borg sert en premier et reprend sa marche en avant comme si rien ne le touchait, un point après l’autre. On repart sur un récital service-volée, retour gagnant, passing, ace, les deux joueurs ne se font aucun cadeau et conservent leur mise en jeu jusqu’à 4-3 service McEnroe, qui se retrouve mené 0-40. Mais Big Mac ne lâche rien et écarte les 3 balles de break d’une belle manière avant de recoller à 4-4.
On se retrouve au bout de 3h50 à 6-6 service Borg, on est en grand chelem donc pas de Tie Break dans le 5ème set, Borg conserve son service et mène 7-6 service McEnroe. Mais Bjorn le met tout de suite sous pression avec un retour dans les pieds. Ce qui met en difficulté John qui n’arrive pas à remonter la balle, 0-15. Bonne première de John 15-15. La première ne passe pas et sur la seconde balle Bjorn se décale et inflige un coup droit long de ligne qui fait mouche, 15-30. McEnroe tente un service-volée mais Borg arrive à le mettre en difficulté et Big Mac rate 15-40, nouvelle balle de match, la 8ème plus d’une heure après la première.
Et cette fois-ci c’est la bonne, sur un magnifique revers croisé Bjorn Borg remporte son 5ème Wimbledon d’affilé. Après une bataille de plus de 4 heures nous pouvons enfin voir un peu d’émotion chez Iceborg, de la déception chez Big Mac, logique, mais comme on dit toujours il faut 2 grands joueurs pour voir un grand match, et celui-là quel match ! Cette fois-ci la glace a éteint le feu, l’histoire est écrite…



J’aimerais maintenant terminer ce premier article des Chroniques Retro avec quelques points clés de ces deux légendes du tennis. Ainsi qu’avec certaine histoire que l’on raconte à leur propos.
Lire aussi l’article Analyse de Wimbledon 2021
Quelques anecdotes et chiffres sur ces légendes
On dit que les 2 joueurs se sont recroisés quelques jours après cette finale. Les 2 hommes se seraient alors félicités mutuellement. Ce qui est sûr c’est qu’une grande amitié est née et un profond respect entre les 2 joueurs ne cessera d’exister.
John deviendra numéro 1 mondial un an après et bâtera Bjorn en finale de Wimbledon en 1981. Les deux amis s’affronteront 14 fois pour 7 victoires chacun !
Bjorn Borg raconte qu’après la défaite d’US Open face à McEnroe en 1981, il rentra directement dans sa maison à Long Island. Il plongea dans sa piscine et se rendit compte d’une chose. La motivation n’est plus là, que le ressort est cassé. Le suédois ne connaissant que les succès et après 10 ans au top niveau et une pression dingue il décida de raccrocher à seulement 26 ans.
Je cite : « J’ai été n°1 mondial être n°2 ne m’intéresse pas »
Il faut savoir que Bjorn Borg c’est 64 titres ATP, 11 titres en Grand Chelem (6 fois Roland Garros, 5 fois Wimbledon) et 2 Masters.
John McEnroe quant à lui, prendra sa retraite à la fin de l’année 1992. L’américain remporta 77 titres ATP, 7 Grands Chelems (3 fois Wimbledon et 4 US Open) et 3 Masters. Big Mac détient toujours un record complètement fou. Soit le meilleur ratio victoire-défaite sur une saison. 96,47% de victoire avec 82 victoires pour 3 défaites seulement, il réalisa cette saison éblouissante en 1984.
La pire défaite que connu John et qui le hante même encore aujourd’hui, est la finale perdue en 1984 à Roland Garros face Ivan Lendl avec un retournement de situation phénoménal. Mais ça c’est une autre histoire…
Le mot de la fin
Cette finale restera comme l’un des moments les plus légendaires de l’histoire du tennis. Une autre finale entrera dans l’histoire 28 ans après, à Wimbledon et c’est celle qui opposa Federer à Nadal. Elle sera le sujet d’un autre article rétro.
En tout cas merci à tous ceux qui nous permettent de voir ou revoir ces matchs, toutes les personnes qui écrivent sur ces légendes, merci de nous transmettre l’histoire, maintenant à nous de faire de même.
Puisque nous sommes en pleine période de l’Euro le prochain article rétro s’arrêtera sur la finale 2000 entre la France et Italie.
En attendant, je vous dis comme d’habitude bons paris à tous ! Et Je vous laisse avec une petite vidéo reprenant les plus belles parties de cette finale 1980.
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